La Target Map

La malédiction du savoir est un biais cognitif mis en lumière par les économistes Colin Camerer, George Loewenstein, et Martin Weber dans le Journal of Political Economy en 1989. Ce biais survient lorsqu’une personne communiquant avec d’autres personnes, suppose inconsciemment que ses interlocuteurs disposent des mêmes connaissances qu’elle pour comprendre.

Depuis, de nombreuses études ont prouvé l’existence de ce biais et son impact à la fois dans les processus pédagogiques et dans la communication.

Dans le vocabulaire, dans le ton, dans les déclinaisons logiques, vous êtes inconsciemment influencé par ce que vous savez. Cette influence vous amène à prendre des raccourcis pour communiquer avec un interlocuteur que vous pouvez perdre par manque d’alignement.

Un exemple simple : j’ai travaillé dans le domaine du traitement des déchets. Dans ce marché comme dans d’autres, il existe un code de communication spécifique, connu seulement de ce milieu professionnel. De surcroît, je travaillais pour une grande entreprise qui avait développé en interne un vocabulaire particulier.

Jusque-là, rien de très étonnant : les groupes d’individus qui atteignent une certaine taille développent des habitudes de communication qui leur permettent à la fois de fluidifier les échanges entre initiés et également de savoir distinguer ces initiés. En réalité, tous ces groupes considèrent inconsciemment qu’ils ont les mêmes références culturelles et qu’il n’est plus nécessaire d’en faire mention;

Ce qui est plus complexe, c’est que le vocabulaire de ces initiés du traitement des déchets utilise des mots de la langue française, auxquels on a associé de nouvelles définitions… Ici, on m’expliquait un processus de gestion des déchets basé sur des producteurs. Dans mon esprit, un producteur est le pendant d’un consommateur, et donc, par extension une entreprise ou une industrie.

Or, dans le processus de gestion des déchets, un producteur est quelqu’un qui produit un déchet (et donc, qui jette quelque chose) !

Dans le cas présent ce n’était pas très grave, je me suis vite rendu compte de mon erreur de compréhension, surtout parce que, dans la position dans laquelle j’étais, je devais faire l’effort de comprendre.

Placez-vous dans la position d’un prospect à qui on voudrait vendre un nouveau système de collecte des déchets écologique à installer sur son balcon. On viendra donc à votre rencontre pour vous proposer « un système superbe compatible avec tous les types de producteurs ! » … Il y a fort à parier que vous ne vous sentirez pas concerné.

Tout au long de votre dispositif, vous visez l’alignement entre votre prospect et votre offre ; si vous ne faites pas très attention à vous mettre dans sa tête et à vivre l’expérience que vous lui conseillez de son point de vue, vous risquez à chaque moment de couper ce lien et de perdre votre prospect.